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FERTILE LANDS
A homecoming story
Every summer, when I was a child, my parents and I used to go and visit some of my relatives living in what was then Yugoslavia.
We all met as a family: parents, grandparents, uncles, aunts and cousins, at the end of a track in a village of a few dozen souls where we respectfully cultivated an Earth that offered us in return what we needed. Born and raised in France, I was the only grandchild who did not speak the language. So I had to find other ways to try to understand and interact: bits of language, observations, deductions, and above all all the imagination that a ten year old can show.
One morning in August 1990, the people in the village looked deeply worried. The roads and railroads had just been cut, and tree trunks had been deliberately thrown onto the tracks nearby. The tension was palpable and we had to run away the same day. This episode would later become known as the Log Revolt. Then the war came. Houses were destroyed, villages razed, but fortunately we did not have to mourn family losses.
Over the years of conflict, I have grown distant from this part of my family, and my memories have become as fragmented as these territories have become. Facts gave way to emotions and a kind of fascination with these rural ways of life, no doubt idealized by a childhood vision.
According to psychologists, our memories are markers of our identity. It is the sum of the situations of actions, reactions, emotions and feelings that we have encountered, that makes us who we are and that allows us to project ourselves into the future. However, we would not have control over these processes and it would be possible to modify a memory and reinterpret it by introducing new emotions. More than ten years later, I decided to go back and find images to superimpose on these memories. Certainly a way for me to make up for lost time, to better understand these cultures, their stories, my own and to get closer to a part of my identity blurred by time and distance. Terres Fertiles retraces my visual itinerary through the Balkans and the Caucasus, in search of childhood memories.
Chaque été, lorsque j’étais enfant, nous allions avec mes parents visiter une partie de ma famille résidant, dans ce qui était à l’époque, la Yougoslavie.
Nous nous retrouvions tous en famille: parents, grand-parents, oncles, tantes et cousins, au bout d’une piste dans un village de quelques dizaines d’âmes ou l’on cultivait respectueusement une Terre qui nous offrait en retour ce dont nous avions besoin. Né et élevé en France, j’étais le seul petit-enfant à ne pas parler la langue. Je devais donc trouver d’autres moyens d’essayer de comprendre et d’interagir: bribes de langage, observations, déductions, et surtout toute l’imagination dont peut faire preuve un enfant de dix ans.
Un matin d’Août 1990, les habitants du village avaient l’air profondément inquiets. Les routes et chemins de fer venaient d’être coupés, des troncs d’arbres avaient été délibérément jetés sur les voies à proximité. La tension était palpable et nous avons dû nous résoudre à fuir le jour même. Cet épisode sera connu plus tard sous le nom de la révolte des rondins. Puis la guerre est venue. Des maisons ont été détruites, des villages rasés, mais heureusement nous n’avons pas eu à pleurer des pertes familiales. Au fil de ces années de conflits, je me suis éloigné de cette partie de ma famille, et mes souvenirs sont devenus aussi fragmentés que le sont devenus ces territoires. Les faits ont laissé la place aux émotions et à une sorte de fascination pour ces modes de vies ruraux, sans doute idéalisés par une vision d’enfant.
Selon les psychologues, nos souvenirs sont des marqueurs de notre identité. C’est la somme des situations d’actions, de réactions, d’émotions et de sentiments que nous avons rencontré, qui fait ce que nous sommes et qui nous permet de nous projeter dans le futur. Cependant, nous n'exercerions pas de contrôle sur ces processus et il serait possible de modifier un souvenir et de le réinterpréter en y introduisant de nouvelles émotions.
Plus de dix ans après, je décide d’y retourner afin de trouver des images à superposer à ces souvenirs. Certainement une façon pour moi de rattraper le temps perdu, de mieux comprendre ces cultures, leurs histoires, la mienne et de me rapprocher d’une partie de mon identité estompée par le temps et l’éloignement. Terres Fertiles retrace mon itinéraire visuel à travers les Balkans et le Caucase, à la recherche de souvenirs d’enfance.